« Le design doit réenchanter le monde » (2/2)
Suite de l’interview exclusive de Patrick le Quément, qui aborde cette fois l’accalmie du design, fait 6348 fois le tour de la Terre et prône une démarche proactive pour créer des solutions porteuses de bien-être et d’amélioration de la société au sens large.
Culture Agencement : De manière générale, comment jugez-vous l’évolution du design depuis le début du 21ème siècle ? D’autre part, que pensez-vous de celle du rôle des designers, qui semblent avoir perdu depuis 10 ans leur statut iconique (quid des nouveaux Starck, Crasset, Pesce, Arad, Branzi... Le Quément ?) au profit des architectes de buildings et musées ?
Patrick le Quément : De manière générale, nous sommes avant tout sujets à l’interprétation des médias qui sont à la recherche de sujets permettant d’accroître les ventes de leurs magazines. Concernant les designers, je pense qu’ils sont aujourd’hui plus engagés dans des réflexions sociétales, mais que leurs créations sont peut-être moins intéressantes ou marquantes que celles de leurs prédécesseurs. Peut-être est-ce dû au fait qu’ils n’entendent à la radio et voient à la télévision ou sur les réseaux sociaux que des mauvaises nouvelles qui ne sont pas stimulatrices de la créativité débridée et de l’audace nécessaire à toute bonne création innovante. En attestent les dernières éditions du salon du meuble de Milan qui, à vrai dire, se sont inscrites dans une continuité des années précédentes et n’ont pas révélé de grandes évolutions remarquables et enthousiasmantes. Cela se ressent dans les magasins où les vendeurs ont du mal à tenir des discours solides permettant de distinguer leurs produits de ceux exposés dans les magasins concurrents. Cela dit, ces périodes d’accalmie sont normales car elles rythment, telles des respirations, l’histoire du design, au même titre que les périodes de profusion d’innovations, comme on en a connu dans les années 1990. On peut donc penser de manière optimiste que nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de créativité.
Culture Agencement : En 2015, avec Maurille Larivière et Marc Van Peteghem, vous avez cofondé à Nice The Sustainable Design Schoo, installée à Cagnes-sur-Mer (Var) depuis octobre dernier. Quelle est sa vocation ? Et comment doit-on interpréter sa traduction d’École de design en innovation durable : par l’emploi privilégié de matériaux écologiques ? Ou par la recherche de solutions fonctionnelles et formelles répondant à une nouvelle longévité, voire créant en la repensant la temporalité de notre société de consommation ?
Patrick le Quément : Durant les décennies où j’ai travaillé comme designer ou comme manager d’équipes de design, j’ai eu un impact direct sur la création et la production de 60 millions de voitures qui, si on les alignait pare-chocs contre pare-chocs, constituerait un cortège faisant 6348 fois le tour de la Terre ! Ayant quitté l’industrie automobile depuis plusieurs années, j’ai de très bonnes raisons de m’impliquer dans la protection de notre environnement sur cette merveilleuse planète qui abrite le miracle de la vie, et dont nous constatons chaque jour les dégâts qui lui sont causés. C’est aussi naturellement la vocation de notre école qui forme des étudiants de cultures et d’horizons divers, tant en termes géographiques que de disciplines, au travers d’une démarche transversale faisant le lien entre les sciences sociales et la technologie. Nous interrogeons tous les secteurs de l’innovation en s’appuyant sur les 17 objectifs du développement durable définis par les Nations Unies (voir lien à la fin de cet article, ndlr). L’objectif est de créer des solutions porteuses de bien-être et d’amélioration de la société au sens large. Il ne s’agit pas de se battre la coulpe et de faire acte de repentance au regard des dégradations causées par l’homme, mais d’avoir une démarche proactive afin de contribuer à créer un avenir désirable. »
Propos recueillis par Jérôme Alberola
Pour connaître les 17 objectifs du développement durable définis par les Nations Unies, cliquez ici
Galerie photos
Partager cet article
